Les blagues préférées des candidats à la Maison Blanche
WASHINGTON, 9 février 2016 - Quand un candidat fait jusqu'à sept discours par jour, il ne peut pas réinventer la roue à chaque étape. Il répète donc son "stump speech", un discours standard que les candidats à la Maison Blanche livrent au mot près à leurs auditoires, des dizaines de fois de suite -- blagues incluses.
Les journalistes qui suivent en permanence les candidats – des petites équipes qui incluent des reporters des grandes chaînes de télévision et de plusieurs journaux et agences - sont souvent capables de terminer les phrases, et n'écoutent que d'une oreille distraite, du fond du restaurant ou de la salle.
Mais la moindre variation, le moindre ajout fait l'effet d'un électrochoc: une nouvelle petite phrase peut signaler un changement de tactique ou de stratégie, une réaction à un mauvais sondage ou une prestation ratée au débat de la veille.
C'est l'intérêt de suivre les candidats au jour le jour, comme notre équipe l'a fait pendant dix jours dans l'Iowa, le premier Etat à avoir voté aux primaires présidentielles, le 1er février.
Moins pardonnable est la répétition par les candidats des mêmes plaisanteries et jeux de mots, discours après discours.
Le sénateur ultra-conservateur Ted Cruz n'est pas le plus décontracté des candidats, et c'est un euphémisme. Les mots de l'ex-avocat constitutionnel sont aiguisés, le ton de ses interventions est grave, son constat sur le déclin américain alarmiste. Alors, peut-être pour alléger l'ambiance, dans ses plus petits déplacements dans les cafés et restaurants, il commence ses discours par une blague sur les travers de sa profession.
La différence entre les régulateurs et les sauterelles
Il décompose à haute voix l'étymologie du mot politique : "poli" pour "plusieurs" (en confondant pour les besoins du calembour le préfixe d'origine grecque "poly" qui veut dire plusieurs et le grec "polis" qui signifie cité), et "tique" pour… "parasites suceurs de sangs". La blague marche à chaque fois, mais pas autant que la suivante, lancée par exemple aux clients attablés du café-restaurant North Star, à Fenton, contre les bureaucrates qui accablent de réglementations les entrepreneurs et agriculteurs, tels un nuage de sauterelles:
"Il y a quelques années, au Texas, j'ai demandé aux gens s'ils connaissaient la différence entre les régulateurs et les sauterelles. Je leur dis qu'on ne peut pas utiliser de pesticides contre les régulateurs. Et un vieil agriculteur se penche vers moi et souffle : vous voulez parier ?"
Hilarité générale. Ted Cruz demande aussi en fin de discours aux personnes présentes de "voter dix fois". "Je ne vous demande pas de tricher, nous ne sommes pas démocrates", précise-t-il en appelant chacun à convertir neuf amis.
La première fois, comme tout l'auditoire, on rit aussi. La deuxième, on comprend. La troisième fois, on se contente de noter stoïquement.
Il y a aussi celle-ci, entendue à Waterloo un samedi soir : "il fait si froid à Washington que j'ai vu un démocrate avec les mains dans ses propres poches". Avec l'arrivée du printemps, elle pourrait être bientôt archivée.
Chez les démocrates, Hillary Clinton est plus sérieuse. La candidate démocrate préfère l'empathie à l'humour. Mais elle verse parfois dans le sarcasme, toujours le même, quel que soit l'Etat. Dans son passage sur le changement climatique, elle éreinte les républicains climato-sceptiques qui disent, pour leur défense, qu'ils ne sont pas scientifiques et ne peuvent pas savoir si l'homme est responsable du réchauffement de la planète.
"Je leur dis : peut-être pourriez-vous parler avec un scientifique? Vous pourriez peut-être apprendre quelque chose?"
Son rival Bernie Sanders, lui, est pince-sans-rire, avec une tendance à l'autodérision, car il sait qu'il a la réputation d'un homme bougon. Sans un sourire, mais avec un sens du rythme digne d'un humoriste, il rouspète contre les kilos en trop qui l'empêchent de boutonner sa veste. "Je suis trop gros…". Ou alors il évoque ses cheveux indomptables. "Je suis un mec GQ" (du nom du magazine masculin), a-t-il dit à des étudiants survoltés dans l'Iowa.
Mais les républicains sont incontestablement les rois du second degré.
Le discours d'introduction de Chris Christie, gouverneur du New Jersey, est interrompu de multiples éclats de rires. J'en ai compté six en 13 minutes un matin dans l'Iowa.
"Je suis sûr que vous êtes soulagés", lance-t-il aux électeurs bassinés par l'omniprésence des candidats. Encore l'autodérision quand il demande aux gens de lever la main pour poser une question: dans le New Jersey, dont les habitants sont connus pour être moins bien élevés, "je donne quatre règles différentes", dit-il.
Chris Christie partage avec Marco Rubio, sénateur de Floride, le même talent pour recycler la même plaisanterie avec une spontanéité impeccable.
Mais Marco Rubio pousse peut-être sa chance un peu trop loin, au point que ses adversaires le traitent de "robot" pour sa tendance à recycler avec un automatisme déroutant les mêmes phrases-slogans, comme lors d'un débat samedi soir.
Il a ainsi dû répéter des centaines de fois qu'il aurait pu devenir joueur de football américain professionnel s'il avait eu… "la taille, la vitesse et le talent" nécessaires.
D'ailleurs, "si ça ne marche pas, je serai président de la ligue de football", répète-t-il. L'humour version Rubio est rarement narquois, mais il se permet une exception avec Bernie Sanders, le candidat socialiste démocrate :
"Bernie Sanders ne peut pas devenir président des Etats-Unis, il devrait se présenter pour la présidence… de la Suède".
Bien que la Suède soit une monarchie, Marco Rubio s'en est longtemps tenu à ce script.
Ivan Couronne est un journaliste de l'AFP basé à Washington. Suivez-le sur Twitter (@ivancouronne).
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