Le baiser de Rangoun
RANGOUN, 20 novembre 2012 – La photo de Barack Obama embrassant chaleureusement Aung San Suu Kyi à la fin d’une conférence de presse à Rangoun fait beaucoup jaser en Birmanie et dans toute la région. En Asie du sud-est, traditionnellement, on salue les gens en joignant les mains. Le contact physique, les effusions, sont quelque chose qu’on évite…
La visite d’Obama en Birmanie, lundi 19 novembre, était un moment historique. Il fallait absolument prendre LA photo qui allait l’illustrer, et il y avait beaucoup de pression.
Nous savions tous que cette occasion allait survenir au moment symbolique où le président rendrait visite à Aung San Suu Kyi dans sa maison de Rangoun. Mais on ne savait pas encore exactement comment cela allait se passer. Auparavant, il y avait eu d’autres occasions de photographier Obama en Birmanie, mais il s’agissait de moments très protocolaires, sans images marquantes.
Quand Obama est arrivé, Suu Kyi et lui ont commencé par se saluer de façon traditionnelle, en joignant les mains et en se penchant respectueusement en avant. On s’est dit : « tiens, ça doit être ça la photo ». Mais il n’y avait rien d’exceptionnel.
Leur entretien terminé, Suu Kyi et Obama ont tenu une conférence de presse très brève devant la maison. Pendant qu’ils parlaient, j’ai fait pas mal de plans très serrés et à la fin de la conférence, j’ai élargi un peu mon angle. C’est à ce moment là qu’ils se sont regardés. Ils se sont dit quelque chose. Obama a commencé à encercler Suu Kyi avec son bras et à lui faire un vrai baiser, très appuyé. Personne ne s’attendait à ça. J’ai eu la chance d’avoir un angle assez large à ce moment là. J’ai pu non seulement saisir l’expression de gêne et de timidité d’Aung San Suu Kyi, qui fait toute la force de la photo, mais aussi le bras d’Obama l’enlaçant.
Aung San Suu Kyi a eu l’air vraiment surprise même si, évidemment, la présidence américaine avait dû calculer cette scène. C’était un moment un peu bizarre. Le grand show à l’américaine face à la pudeur birmane… Mais au fond, tant mieux. Il fallait une photo comme ça pour marquer le moment historique qu’a été le voyage d’Obama en Birmanie.
Nicolas Asfouri est un photographe de l'AFP basé à Bangkok.