L’aéroport de Gaza ou le rêve en ruines
GAZA, 26 août 2014 – L’ouverture d’un port et d’un aéroport dans la bande de Gaza, soumise au blocus israélien et égyptien depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007, est une exigence primordiale des Palestiniens. Ces projets d’infrastructures étaient prévus dans les accords d’Oslo en 1993. Le sujet revient immanquablement sur la table lors des négociations, comme celles qu'ont mené Israël et le Hamas au Caire pendant les quelques jours de trêve dans la guerre de cet été.
Pour illustrer ce sujet, j’ai décidé de me rendre à l’ancien aéroport de Gaza, tout au sud du territoire. J’étais très curieux de voir ce qu’il était devenu. J’y avais déjà fait des photos il y a quatorze ans, alors que les avions y atterrissaient et décollaient encore. Comme beaucoup de gens, j’ai toujours en tête les images de l’inauguration de l’aéroport en 1998, en présence de Yasser Arafat et de Bill Clinton qui s’y était posé avec son hélicoptère. C’était l’époque où tous les espoirs étaient permis pour les Palestiniens. Une compagnie aérienne, Palestinian Airlines, avait été créée. Elle emmenait les habitants de Gaza en Jordanie, à Chypre ou en pèlerinage à La Mecque sans nécessité de transiter par Israël ou par l’Egypte. La reconnaissance d’un Etat palestinien semblait en bonne voie.
L’aéroport, ou plutôt ce qu’il en reste, est situé sur une bande de sable à quelques pas de la frontière égyptienne. C’est un endroit où personne ne va. Il ne s’y passe rien. L’accès est difficile et en plus, c’est dangereux. C’est par là qu’une partie des chars de l’armée israélienne sont entrés dans la bande de Gaza pendant l’offensive terrestre de cet été. La route de l’aéroport n’existe plus depuis longtemps. Pour y arriver, nous avons dû emprunter de petits chemins sablonneux avec le 4x4 blindé de l’AFP.
L’aéroport n’est plus qu’un tas de ruines. Il a été entièrement détruit par une succession d’attaques israéliennes depuis 2006. Il n’y a plus de revêtement sur la piste d’atterrissage. Du terminal, il ne reste que la structure. Tout le reste a été soit démoli par les raids israéliens, soit emporté par les Gazaouis pour être recyclé. Lors de notre passage, les lieux étaient déserts. Il n’y avait là qu’un gamin qui trainait à travers les décombres, à la recherche de bouts de métal ou de je ne sais quoi d’autre.
J’ai dû regarder mes photos d’archives, une fois rentré, pour me souvenir de ce à quoi ressemblait l’aéroport quand il fonctionnait. C’était un très bel ensemble de bâtiments de style marocain, avec de nombreuses mosaïques, desquelles il ne reste aujourd’hui que quelques éclats de faïence par-ci par-là.
En photo, j’adore les ruines. Elles permettent de jouer avec les volumes, de faire des images dans une ambiance de fin du monde.
Mais ce bâtiment, c’est aussi le symbole cruel de l’état dans lequel se trouve la bande de Gaza, et de ce que sont devenus les rêves de paix et de souveraineté des Palestiniens.
Thomas Coex est le responsable photo AFP pour Israël et les Territoires palestiniens.