James Foley sur la route de l'aéroport de Syrte, en Libye, le 29 septembre 2011 (AFP / Aris Messinis)

James Foley, l'humaniste courageux

WASHINGTON, 20 août 2014 - L'Américain James Foley était un journaliste courageux qui n'hésitait pas à se rendre dans les endroits les plus dangereux pour raconter les histoires de civils pris dans le chaos de la guerre. Le reporter de 40 ans, qui collaborait régulièrement avec l'AFP, avait été pris en otage en novembre 2012 en Syrie avant d'être assassiné par les jihadistes extrémistes de l'Etat islamique (EI).

La vidéo de son exécution diffusée le 19 août a provoqué des réactions horrifiées de par le monde et de nombreux confrères qui l'ont côtoyé ont témoigné des valeurs qui habitaient l'Américain, soulignant son courage, son humour et sa simplicité.  "Tout cela n'a aucun sens", a déclaré son père John Foley devant leur maison de Rochester, dans le New Hampshire. "La façon dont il est mort est affreuse. Cela témoigne de son courage. Nous pensons qu'il est mort en martyr, en martyr pour la liberté".

Daphné Benoît, journaliste à l'Agence France-Presse, avait travaillé à ses côtés dans la ville libyenne de Misrata en octobre 2011. Ensemble ils avaient couvert les derniers jours au pouvoir de Mouammar Kadhafi.

James Foley à l'aéroport de Syrte, el Libye, le 29 septembre 2011 (AFP / Aris Messinis)

"Beau gosse blond au visage anguleux toujours barré d'un sourire, caméra légère à la main, il était inséparable de deux autres free-lancers: la journaliste américaine Clare Morgana Gillis et le photographe espagnol Manu Brabo", se souvient Daphné Benoît. "Tous trois avaient été kidnappés ensemble à Brega par les kadhafistes en avril, puis séquestrés pendant plus d'un mois. Cela ne les avait pas empêchés de retourner de concert en Libye, d'être là pour couvrir la chute de l'ultime bastion des partisans de Kadhafi".

"Un soir je n'ai pas pu m'empêcher de lui confier mon étonnement. Comment avoir envie de revenir ? Pudique, James m'a répondu en souriant que c'était une évidence, qu'il lui fallait couvrir l'histoire jusqu'au bout. Ce n'était pas une tête brûlée. Juste un journaliste tenace. Il a bien fait: le 20 octobre 2011, James était parmi les rares journalistes sur place lors de la capture et l'exécution de Kadhafi à Syrte".

James Foley à Alep, en Syrie, le 5 novembre 2012 (AFP / HO / Nicole Tung)

La captivité de James Foley en Libye lui avait permis de réfléchir aux risques qu'il prenait, comme il l'avait raconté aux étudiants de son ancienne école de journalisme à son retour. "Quand vous commencez à prendre des risques, que vous avez une alerte sérieuse, vous devez vraiment vous poser des questions. Cela ne vaut pas votre vie", avait-il dit, lui qui s'était tourné vers le journalisme sur le tard, à 35 ans.

Puis, interrogé par un étudiant sur les raisons qui le poussaient à se rendre dans des zones si dangereuses, il avait répondu: "Il y a une humanité incroyable en ces endroits".

Le reporter américain se concentrait en effet avant tout sur le côté humain des conflits qu'il couvrait. "Avec sa petite caméra discrète, son casque et son gilet pare-balles, James Foley était capable de se glisser sur les lignes de front, où il croisait souvent des civils fuyant dans l'autre sens, il s'abritait parfois avec eux au milieu des bombardements", raconte Djilali Belaïd, qui avait été en contact avec lui en tant que coordinateur vidéo pour l'AFP au Moyen-Orient. "Ses images parlaient souvent d'elles-mêmes, mais ses emails accompagnant ses vidéos mentionnaient toujours les noms des personnes interrogées, et même les noms des personnes mortes qu'il avait filmées après des bombardements. Pour lui il n'y avait pas de victimes anonymes".

Vidéo en anglais. Si vous ne parvenez pas à la visualiser, cliquez ici.

Sara Hussein, journaliste à l'AFP qui l'a vu travailler dans un hôpital à Alep, se souvient d'un homme "calme et respectueux", qui avait su gagner la confiance des personnels de santé aux côtés desquels il travaillait.

Didier François, un journaliste français un temps retenu en otage avec James Foley avant sa libération en avril dernier, s'est quant à lui souvenu au micro de la radio Europe 1 d'un "garçon extraordinaire", "un compagnon de détention extrêmement agréable, très solide".

Simon Klingert, un reporter de guerre américain ami avec James Foley, a aussi rendu hommage à son courage: "Ils t'avaient mis à genoux mon frère, mais jusqu'à ton dernier souffle tu es resté fort face au mal", a-t-il dit sur Twitter.

"Il a donné sa vie en essayant de montrer au monde les souffrances du peuple syrien", a écrit de son côté sa mère Diane Foley, sur la page Facebook consacrée à la libération de son fils. "Nous remercions Jim pour toute la joie qu'il nous a donnée. Il était un fils, un frère, un journaliste et une personne extraordinaire".

Badges réclamant la libération de James Foley pendant une réunion de soutien au journaliste à Boston, le 3 mai 2013 (AFP / Don Emmert)

Dave Clark est le chef du desk anglais de l'AFP pour l'Amérique du Nord à Washington.