Les premiers flashes de l'AFP après la mort de Kennedy (© AFP - 2013)

Dallas, 22 novembre 1963

PARIS, 20 novembre 2013 - Le 22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy, élu Président des Etats-Unis en 1960,  effectue un déplacement à Dallas. Rien d’exceptionnel, ce voyage entre dans le cadre d'une tournée électorale en vue de l’élection présidentielle de l’année suivante.

A New York, alors bureau principal de l’AFP aux Etats-Unis, on compte sur la copie du correspondant de l'agence Associated Press (AP).  L'AFP a en effet conclu avec l’agence américaine un accord d'échange de nouvelles lui permettant de bénéficier de son réseau de correspondants aux Etats-Unis.

Le président Kennedy quelques instants avant le coup de feu mortel, le 22 novembre 1963 à Dallas (AFP)

Quand les coups de feu éclatent, il est 12h30 à Dallas (19H30 GMT). Le président Kennedy, qui vient d'être atteint par balles, traversait Dallas à bord d'une limousine décapotable dans laquelle se trouvaient également son épouse Jackie, le gouverneur du Texas John Connally, son épouse Nellie et deux agents chargés de la sécurité du président dont le chauffeur du véhicule.

Les correspondants d'AP et de United Press International (UPI),  l'autre grande agence américaine à l’époque, voyagent dans la même voiture, équipée d'un téléphone, qui suit la limousine du président. Le journaliste d'UPI bondit sur le téléphone. Il ne le lâchera pas avant un bon moment. C'est lui qui aura le scoop, à 12h34 locales.

Au Newseum de Washington, un téléscripteur d'UPI avec la dépêche annonçant l'assassinat de Kennedy

(AFP / Brendan Smialowski)

Au grand dam de son concurrent, il parle très lentement au téléphone, articulant chaque syllabe, puis dicte sa dépêche une deuxième fois --ce qui , il est vrai, était la règle en cas de flash et de bulletins. Cette rouerie lui permettra  de mettre plusieurs minutes dans la vue de ses concurrents. Fou de rage, le journaliste d’AP finit par lui arracher le téléphone des mains et parvient enfin à dicter sa dépêche.

L’histoire est racontée par Jean Huteau et Bernard Ullmann, anciens journalistes de l’AFP, dans leur livre « Une histoire de l’Agence France- Presse » (Robert Laffont – 1992)

Au bureau de New York de l'AFP, le télescripteur d'AP sonne l'alerte. Une journaliste du desk, Nicole Le Bot (qui fut longuement par la suite au service politique de l'AFP), se précipite sur une machine à écrire et rédige le flash qu'elle tend à l'opérateur qui à son tour le retape sur le télescripteur:

(Retranscription)

A Paris, où se trouve le desk "central", le flash est lu au micro et répercuté dans toutes les langues. Il est 19H43 GMT. L'AFP a neuf minutes de retard sur UPI. Mais elle compte se refaire. Minutes après minutes, flash et bulletins vont se succéder.  Pendant plus de quatre heures, l’Agence  donnera des informations sur les blessures de Kennedy, puis sur son état critique, et sur l’arrivée de deux prêtres au chevet du président. Jusqu'au flash historique:

(Retranscription)

François Pelou, qui assurait à New York la couverture sportive, -- et qui fut notamment par la suite correspondant au Vietnam, au Brésil et en Espagne -- propose de partir aussitôt pour Dallas. Il y restera six semaines.

Le corps de Kennedy arrive à la base aérienne d'Andrews, près de Washington, le 22 novembre 1963 (AFP)

Pour la suite des événements, l'AFP ne dépend plus de AP. La copie peut être signée "de l'envoyé spécial de l'AFP", mais à l'époque le nom n'est pas mentionné. Dès le 23 novembre, Pelou est aux premières loges pour suivre l'enquête.

(Retranscription)

La police locale aidée du FBI et du service secret est convaincue qu'elle détient l'assassin du président Kennedy en la personne d'un illuminé de 24 ans, Lee Harvey Oswald. 

A 23 heures 30 locales, soit après près de dix heures d'interrogatoire continu, il nie toujours le meurtre du président dont il est soupçonné, comme le meurtre d'un policier de la ville dont il est formellement accusé.

Lee Harvey Oswald après son arrestation à Dallas le 22 novembre 1963 (AFP)

Le 24 novembre, afin de gagner du temps, Pelou suggère à Felix Bolo, rédacteur au desk de New York (qui deviendra directeur de l'information après avoir occupé plusieurs postes à l’étranger), de rédiger les dépêches à partir de la télévision qui retransmet en direct de Dallas. Oswald, qui vient d'être inculpé du meurtre de Kennedy, doit être transféré vers la prison du comté de Dallas en présence de la presse.

Il est 11H24 à Dallas. A New York, Felix Bolo, devant le poste de télévision, tape le flash.

(Retranscription)

A Dallas, Pelou est à quelques mètres d'Oswald, encadré par des policiers, lorsqu'une balle fait taire à jamais l'accusé numéro un.

L'envoyé spécial de l'AFP racontera, en mai 2010 à Valérie Mielnicki (journaliste à la Documentation générale), avoir vu « le flash, le petit éclair du révolver sur la poitrine, sur le pullover noir que portait Oswald à ce moment –là ».

Jack Ruby tire sur Lee Harvey Oswald le 24 novembre 1963 à Dallas (AFP / Warren Commission)

Le tireur est Jack Ruby, un patron de cabaret, indicateur de la police, lié à la mafia, qui s'était mêlé aux nombreux journalistes présents dans le sous-sol du commissariat. Oswald mourra peu après au Parkland Hospital, comme « JFK ».

« Ruby était à côté de moi et m'a bousculé pour aller tuer Oswald qui arrivait juste en face de moi (…). Oswald a été le premier à voir arriver son assassin. C'est pour ça que j'ai toujours  cru qu'ils se connaissaient », ajoute Pelou dans cette interview vidéo.

« Ruby a tiré pas pour le blesser, dans un accès de colère, non, pour tuer", dit François Pelou qui sera entendu par la Commission Warren chargée de l'enquête. Celle-ci établira qu'Oswald est bien l'assassin de John Kennedy et qu'il a agi seul.

L'interview en 2010 du journaliste de l'AFP François Pelou, qui couvrit la mort de Kennedy et assista de ses yeux à celle de son assassin Lee Harvey Oswald en 1963. Propos recueillis par Valérie Mielnicki, de la documentation multimédia de l'AFP. Si vous ne parvenez pas à visualiser correctement cette vidéo, cliquez ici.

Paola Juvénal est la chef de la documentation multimédia de l'AFP à Paris.