(AFP / Adrian Dennis)

Capturer des étoiles filantes

LONDRES – D’ici quelques jours, huit hommes prendront place dans les starting-blocks de la finale olympique du cent mètres. Mais dans le stade de Rio, ils ne seront pas les seuls dont le pouls battra à cent à l'heure.

Ce sera également le cas pour moi et pour tous les autres photographes dont le travail consiste à immortaliser en pleine action les athlètes les plus rapides du monde. Usain Bolt peut expédier un cent mètres en 9,58 secondes – son record olympique. Cela signifie que je dispose du même temps pour le prendre en photo, lui et ses concurrents.

En fonction des plans préparés par l’AFP, je serai posté près de la ligne de départ. Ou bien je tenterai ma chance en photographiant à vitesse lente les coureurs en pleine accélération. Ou bien j’occuperai la position de loin la plus stressante, sur la ligne d’arrivée, près du chronomètre, et je croiserai les doigts pour que ma mise au point soit bien faite sur le coureur qui gagnera l’épreuve.

(AFP / Adrian Dennis)

D’habitude, en pareille situation, je regarde l’écran géant du stade au moment où le départ est donné pour essayer de déterminer qui démarre le plus vite. Je garde les yeux rivés sur l’écran jusqu’aux deux dernières secondes de la course, moment où je prends la décision de faire la mise au point sur celui qui me semble le vainqueur le plus probable, en espérant avoir fait le bon pronostic.

Nos appareils shootent des rafales de quatorze images par seconde. Mais vous seriez surpris de constater à quel point le choix est étroit au moment de sélectionner ce qui sera LA photo du vainqueur franchissant la ligne d’arrivée. Il faut espérer qu’il y ait au moins une bonne image, et une séquence de trois ou quatre autres qui raconteront l’histoire. Mais je n’ai pas le temps de réfléchir, parce que sitôt l’épreuve finie je dois me mettre à courir derrière le vainqueur pour immortaliser sa joie. Dans ces moments, croyez-moi, la course des photographes n’est pas moins disputée que celle des athlètes !

(AFP / Adrian Dennis)

Récemment, j’ai couvert les Anniversary Games, une réunion d’athlétisme à Londres, histoire de bien m’échauffer et d'affûter mes réflexes avant les jeux Olympiques.

Mon boulot, quand je couvre une compétition depuis le centre du stade, consiste bien sûr à prendre de bonnes photos, mais aussi et avant tout à gérer le temps. Il s’agit de trouver un bon emplacement, généralement sur l’herbe qui borde la piste, et de photographier la totalité des athlètes afin de satisfaire chacun de nos clients dans le monde, vu que chaque média s’intéresse principalement aux sportifs de son pays. Il faut travailler vite, passer sans cesse d’un événement à un autre. Parfois, des épreuves se déroulent simultanément, et se trouver au bon endroit au bon moment pour photographier la célébration de la victoire relève de la gageure.

(AFP / Adrian Dennis)

Nous essayons aussi de prendre des images qui sortent du lot. Prenez le saut à la perche. Quand le soleil brille, l’épreuve peut être un régal à photographier. Nous nous allongeons sur le dos et nous pointons nos objectifs à grand angle vers le ciel pour saisir la silhouette du sauteur juste au moment où il franchit la barre. Cela donne par exemple cette image du Français Renaud Lavillenie:

(AFP / Adrian Dennis)

Au moment des épreuves féminines, à Londres, c’était encore mieux, avec de magnifiques nuages parcourant le ciel au-dessus du stade propices aux photos spectaculaires. Il suffit qu'un peu de bonne lumière survienne pour que toute une série d’opportunités se présente pour le photographe. Et je crois que les photographes britanniques, habitués à travailler dans la lumière grise et plate, sont encore plus excités que les autres quand cela arrive. Au moindre rayon de soleil, nous sautillons de joie et nous partons frénétiquement à la recherche de silhouettes.

(AFP / Adrian Dennis)

Parfois, le planning le plus minutieusement calculé peut partir en vrille uniquement parce que vous êtes dans l’obligation incontournable de photographier un sportif particulier. Prenez Lavillenie. Il était le favori à Londres. Pas question de le rater. Mais comme il n’a commencé à sauter qu’une heure environ après le début de l’épreuve, cela a complètement chamboulé mon timing. C’est devenu la quadrature du cercle pour couvrir aussi le saut en hauteur féminin à l’autre bout du stade, sans parler des épreuves de course qui se déroulaient sur la piste entretemps.

(AFP / Adrian Dennis)

D’une certaine façon, c’est encore plus difficile de couvrir la Diamond League, parce que les événements se déroulent à un rythme très soutenu. Il n’y a pas d’épreuves éliminatoires qui nous permette de tester les bons angles avant le moment crucial.  Dès qu’une course est finie, une autre commence.

(AFP / Adrian Dennis)

A Londres, j’ai couvert la réunion avec mon collègue Ben Stansall. Il s’est positionné près de la ligne d’arrivée de la piste tandis que je me suis installé au centre du stade, en faisant continuellement attention de ne pas me prendre un javelot perdu en pleine poitrine. La chance était au rendez-vous ce jour-là. L’Espagnole Ruth Beitia (à gauche sur la photo ci-dessus) a accompli la meilleure performance de la saison en saut en hauteur, la Britannique Laura Muir (à droite) a battu un record national au 1.500 mètres, et l’Américaine Kendra Harrisson un record du monde pendant la finale du 100 mètres haies.

(AFP / Adrian Dennis)

A Rio, je ferai partie de l’équipe de sept photographes chargés de couvrir l’athlétisme. Pour me déstresser, j'essayerai de me convaincre qu’il y aura toujours un collègue de l’AFP qui réussira à prendre la photo que j’aurai ratée… Mais malgré la tension, ce sera un plaisir. Je suis sûr que le duel entre Usain Bolt et Justin Gatlin, qui participent peut-être à leurs derniers jeux OIympiques, ne décevra personne. Et le Britannique Mo Farah, dans une forme magnifique, pourrait, s’il réussit un nouveau doublé aux épreuves des 5.000 et 10.000 mètres, devenir le meilleur coureur de fond de tous les temps. Si c’est le cas, mon cœur ne battra pas que pour les photos !

(AFP / Adrian Dennis)

 

Adrian Dennis