Téhéran, vue de voiture
TEHERAN, 10 juin 2015 – Etre photographe de l’AFP en Iran n’est pas simple. Se promener dans la rue avec un appareil photo autour du cou vous attire automatiquement toutes sortes de tracasseries. Pour contourner ce problème et saisir la vie quotidienne à Téhéran dans toute sa spontanéité, Behrouz Mehri a trouvé une solution originale: prendre des images depuis la fenêtre d’une voiture.
«J’ai fait cela pour montrer qu’il est difficile de faire des photos à Téhéran, encore plus en période d’élection », raconte Behrouz Mehri, alors que le premier tour de la présidentielle iranienne se déroule le 14 juin.
En temps normal, les photographes doivent avoir une autorisation du ministère de la Culture, l’autorité de tutelle des médias étrangers, pour chaque déplacement en ville. «Mais celle-ci n’est valable que pour la police en uniforme. Il y a d’autres forces de sécurité comme les services de renseignement ou le Bassidj (corps supplétif de miliciens), pour qui cette autorisation n’a pas de valeur. On se fait arrêter pour quelques heures, mais on a raté la photo».
Certains de ses collègues se sont même fait arrêter alors qu’ils étaient invités pour couvrir un évènement public. «Bref, on est jamais à l’aise dans la rue, on s’attend toujours à des problèmes», résume Behrouz.
Et puis, depuis une voiture, «on garde l’esprit du cliché. Si les gens nous voient, ils prennent la pose», explique-t-il. Il se défend de faire des photos volées, et assure qu’il demande à ses sujets l’autorisation de diffuser les clichés après-coup.
L’inconvénient reste l’angle limité des deux fenêtres arrière d'une voiture, et le temps passé dans la circulation. «Chaque série dure quatre heures environ, parfois nous passons cinq fois au même endroit avant de trouver ce que nous voulons», explique-t-il.
Il y a aussi le «côté artistique» du cadre noir. «On n’est pas dans le type de cliché pris grâce à Hipstamatic ou Instagram», dit-il.
Le photographe, né à Téhéran, choisit des endroits représentatifs de la capitale: aux abords du grand stade Azadi, autour de la tour Milad et sa vue périphérique sur la capitale, près de la mosquée Imamzadeh Saleh, sur la place Tajrish dans le nord de la ville...
«C’est pour montrer la ville aux étrangers qui ne la connaissent pas, qui auraient des idées préconçues, des préjugés sur le pays, dit-il. Mes clichés montrent la variété de la vie à Téhéran». Il s’adresse aussi aux Téhéranais «qui passent leur temps dans leur voiture sans regarder autour, sans voir ce qu’il se passe dans les rues de leur ville».