Armstrong est acclamé par un supporter dans la montée au Mont Ventoux pendant le Tour de France 2002 (AFP / Joël Saget)

Souvenirs du Tour (8) : les années Armstrong

Le Tour de France qui démarre le 29 juin en Corse fête, cette année, sa 100ème édition. Jean Montois, correspondant cycliste de l'AFP, a couvert les trente dernières, sans jamais rater une étape. Il a été le témoin privilégié des profondes transformations du cyclisme, depuis courses bon enfant des années 1980 jusqu'aux grands scandales de dopage des décennies suivantes, et de celles non moins profondes du journalisme sportif pendant la même période.

Pendant une dizaine de jours, il raconte quotidiennement pour le blog AFP Making-of une anecdote marquante de sa longue expérience sur la Grande boucle.

PARIS, 27 juin 2013 – Que me reste-t-il des années Armstrong ? Des images fortes, bien sûr.

Je n’ai jamais aimé Lance Armstrong. J’ai éprouvé une certaine admiration pour son parcours, et pour cette rage de vivre et de vaincre qui le possédait. De ce point de vue-là, au départ, c’était un grand sportif (même si personnellement, je pense qu’il n’aurait jamais gagné le Tour de France sans dopage sanguin).

Armstrong est un cas à part dans l’histoire du cyclisme. Non pas qu’il était le seul à se doper, évidemment. Mais son esprit systématique, sa volonté de domination étaient uniques. Le pire, c’était cette loi qu’il imposait à tout le monde, son arrogance, le sentiment qu’il maîtrisait tout et que rien ne pouvait lui arriver.

Armstrong devance son coéquipier George Hincapie dans la montée de Courchevel, pendant le Tour 2005 (AFP / Joël Saget)

Une image me reste : celle d’Armstrong faisant du stretching dans la montée de Courchevel dans le Tour 2005. Cet épisode représente un sommet du dopage sanguin. Ce jour-là, Armstrong écrase le Tour. Il ne gagne pas l’étape – c’est l’Espagnol Alejandro Valverde qui s’impose au sprint – mais il montre une telle supériorité que j’en suis écœuré. 

Armstrong, vainqueur d'étape, sort d'un contrôle anti-dopage à Besançon pendant le Tour 2004 (AFP / Martin Bureau)

Comme beaucoup de journalistes, j’étais profondément convaincu qu’Armstrong se dopait. La presse française, qui avait vécu le traumatisme de l’affaire Festina, était beaucoup plus vigilante que celle d’autres pays. Mais comment l’écrire? Comment traiter le cas Armstrong? La conviction n’est pas une preuve… Nous en étions réduits à essayer de le faire comprendre aux gens sans le dire noir sur blanc, à écrire entre les lignes. Comprenne celui qui a envie de comprendre…

On a un peu la même impression aujourd’hui dans d’autres sports, comme le football. Le dopage est un sujet, mais un sujet qui n’intéresse pas forcément les gens. Jusqu’au jour où éclatera un grand drame à la face du monde. L’équivalent d’une affaire Festina en plein Mondial, par exemple. Et là, tout le monde sera mobilisé.

Jean MONTOIS

(NB: Je suis tellement excédé que dans mon compte-rendu de l’étape de Courchevel, j’écris ceci: «Sa faculté d’accélération, son incroyable aisance dans la montée finale où il prit le temps de faire des étirements (à quand un détour pour aller faire ses provisions ?), ont marqué les esprits. Valverde (25 ans), aux anges pour ses débuts dans le Tour, a eu bien raison d’insister sur la valeur de sa performance. Le grand espoir du cyclisme espagnol a devancé une étoile… filante»).

Lance Armstrong, pendant une conférence de presse en juin 2003 (AFP / Franck Fife)