Dans le Mémorial du génocide rwandais à Nyamata, en 2014 (AFP / Simon Maina)

Des militaires achèvent des blessés à l'hôpital

De l'envoyée spéciale de l'AFP, Annie THOMAS

KIGALI, 11 avr 1994 - Au moins deux blessés ont été achevés à la baïonnette lundi par des militaires à l'intérieur de l'hôpital de Kigali, pendant que les soldats gouvernementaux affrontaient à l'arme lourde ceux du Front patriotique rwandais (FPR) dans la capitale.

Une journaliste de l'AFP a vu des militaires pousser devant eux deux adolescents, dont un blessé à la tête, les conduire vers un amoncellement de cadavres, près de la morgue, et les exécuter à la baïonnette. Les deux jeunes gens ont été laissés agonisant au milieu des morts.

Les tirs ont continué lundi matin et se faisaient plus denses en début d'après-midi. Des obus de mortier étaient tirés et des rafales de mitrailleuse étaient entendues dans la ville, près de la base du bataillon du FPR.

La provenance des tirs est difficile à déterminer en raison de l'écho provoqué par les collines.

Les tirs avaient été nombreux dans la soirée de dimanche.

Selon la mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR), 27 personnes ont été tuées lorsqu'un obus a touché l'hôpital Roi Fayçal.

Chaque jour, des dizaines de blessés nouveaux arrivent à l'hôpital de Kigali. Aux combats entre militaires s'ajoutent les affrontements entre civils hutus et tutsis, les agressions crapuleuses, les règlements de comptes. Les blessures à la tête, infligées à coups de machettes, sont nombreuses.

Le matin, des camions et des tracteurs du ministère de l'Equipement ramassent les morts dans les rues. Tôt lundi, des blessés agonisaient devant leurs maisons, dans un village proche de Kigali.

Opérations d'évacuation

Les prisonniers, vêtus d'uniformes roses, sont préposés au ramassage des cadavres.

La morgue de l'hôpital déborde. Il y a eu là jusqu'à un millier de morts, selon un responsable du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Les cadavres sont entassés à l'extérieur du bâtiment. A côté, on cuisine le peu de nourriture qui reste.

Pour évacuer une centaine de blessés de l'hôpital surchargé de Kigali, le CICR a organisé un convoi de deux camions et plusieurs voitures vers le petit hôpital de Kabgaye, à une quarantaine de km au sud de la capitale.

Exceptionnellement, le CICR a demandé une escorte militaire pour accompagner ces hommes, femmes et enfants blessés à l'arme blanche et par balles.

Par ailleurs, l'évacuation des ressortissants étrangers s'est poursuivie lundi. Un convoi, presque exclusivement constitué de Français, était le premier à quitter l'Ecole française d'où, escortés par des parachutistes français, il s'est rendu vers l'aéroport. D'autres convois, formés de ressortissants de différentes nationalités, les ont suivis.

Les personnes évacuées font le trajet entre l'école et l'aéroport à bord de camions, militaires ou civils, réquisitionnés par les parachutistes. Ils empruntent une piste qui contourne une partie de la ville, car la route est trop dangereuse et encombrée de barrages.

Mais la piste non plus n'est pas toujours sûre. "Hier, quand nous revenions de l'aéroport, un obus de mortier est tombé juste devant nous", affirmait un parachutiste affecté au premier convoi.

Selon des sources humanitaires, d'autres régions du Rwanda sont aussi en proie à des troubles politico-ethniques, qui ont d'ores et déjà fait des milliers de morts en moins d'une semaine.

AT/ms