La plus parfumée des récoltes

SAMBAVA (Madagascar) – Chaque année à pareille époque, les collines luxuriantes du nord-est de Madagascar s’emplissent d’une fragrance âcre, reconnaissable entre mille. On ne peut y échapper. Elle imprègne vos habits et vos cheveux. Elle monte à la tête des non-initiés comme moi. Elle flotte dans les rues de Sambava, surtout près des entrepôts où l’épice est stockée avant d’entamer son voyage vers les quatre coins du monde. C’est la saison de la récolte de la vanille.

Madagascar est célèbre pour la vanille, la deuxième épice la plus chère du monde derrière le safran. Environ 80 pourcent de la production mondiale vient d’ici. Curieusement, elle n’est jamais utilisée dans la cuisine malgache. Chez moi, on plante parfois un bâton de vanille dans un pot de sucre en poudre pour le parfumer, mais c’est tout.

(AFP / Rijasolo)

Car la vanille n’est pas originaire d’ici. Elle a été importée par les Occidentaux, qui l’ont découverte au Mexique au XVIème siècle et l’ont introduite en Europe en même temps que le chocolat. Aujourd’hui elle est utilisée dans le monde entier, et elle constitue le gagne-pain de bien des Malgaches. Dans les collines autour de Sambava, où j’ai pris ces photos, elle fait vivre pratiquement tout le monde. Il n’y a pas d’industries ici, et pas beaucoup d’activités économiques à part l’agriculture.

A vanilla plantation nestled in the hills. (AFP / Rijasolo)

Officiellement, la saison de la récolte ne démarre que le 20 juin. Le gouvernement impose cette date dans le but de contrôler le commerce et de prévenir la spéculation financière qui a fait bondir le cours de la vanille de 60 dollars le kilo en 2014 à environ 220 dollars aujourd’hui. Mais les terres où est récoltée la vanille sont très reculées et les inspections par les autorités sont peu fréquentes. La plupart des cultivateurs commencent donc à récolter avant la date autorisée.

Gousses vertes de vanille (AFP / Rijasolo)

La raison pour laquelle la vanille est si chère, c’est que le processus pour la préparer est très complexe. Il faut d’abord cueillir les gousses vertes. Ensuite, on les fait cuire quelques minutes dans de l’eau chaude, ce qui les fait brunir. Puis on les sèche au soleil deux heures par jour pendant quinze jours : on les sort, on les étale au soleil, puis on les remet dans les sacs. Cela réclame beaucoup de travail. Et pas question de stocker la précieuse épice à l’extérieur: les voleurs n’attendent que ça. Donc, tous les jours pendant deux semaines, c’est le même spectacle: des hommes transportent des sacs, déversent la vanille au soleil, la ramassent deux heures plus tard et repartent avec les sacs.

De la vanille illégalement récoltée saisie par la gendarmerie à Sambava, le 26 mai 2016 (AFP / Rijasolo)

Une fois que la vanille est prête, il faut trier les gousses en fonction de leur qualité. Ce sont généralement les femmes qui s’y collent. Chaque gousse est évaluée et placée dans une pile différente selon son degré d’excellence.

Précieuses gousses sous bonne garde (AFP / Rijasolo)

Dans tous les villages autour de Sambava il y a au moins un planteur de vanille, et quand arrive la saison de la récolte, il embauche la quasi-totalité du village. Tout se déroule donc dans une atmosphère très familiale.

Ramassage de la vanille après les deux heures quotidiennes de séchage (AFP / Rijasolo)

Ce qui me frappe le plus, c’est la bonne ambiance. Les gens sont accueillants et chaleureux. Ils travaillent dur, mais ils ont l’air heureux et détendus. Ils chantent souvent pendant qu’ils triment ensemble. Comme chaque année, ce sont les mêmes personnes qui travaillent pour le même fermier, une relation assez intime a fini par se nouer entre eux. Au moment de ma venue, le fils d’un des travailleurs a des problèmes de santé, et c’est le fermier qui lui paye les soins médicaux.

(Cet article a été écrit avec Yana Dlugy à Paris).

(AFP / Rijasolo)

 

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